les plus belles randonnées en Corse du Sud
Il y a en
Corse du Sud une verticalité qui éblouit, un relief qui résiste et un silence
que seuls les pas du randonneur viennent troubler. Entre les aiguilles acérées
de Bavella, les vallées tapissées de châtaigniers et les criques désertes
surplombant la Méditerranée, cette région insulaire concentre l’une des plus
fortes densités de sentiers spectaculaires d’Europe. C’est une Corse
intérieure, brute, parfois exigeante, mais toujours majestueuse. Une terre où
chaque randonnée devient une initiation, chaque sommet un sanctuaire, chaque
source une offrande.
Marcher en
Corse du Sud, c’est s’offrir un voyage dans le temps et l’espace. Ici, les
sentiers ne sont pas de simples tracés. Ce sont des chemins de transhumance,
des pistes de bergers, des voies sacrées. Ils serpentent dans des forêts
millénaires, longent des torrents turquoise, escaladent des crêtes déchiquetées
où les mouflons observent l’homme avec une tranquille hauteur. La végétation,
elle, est d’une densité inouïe, cistes en fleurs, lentisques odorants,
genévriers noueux. Le maquis semble vouloir reprendre ce que l’homme essaie de
dompter.
L’une des plus emblématiques randonnées de Corse du Sud est sans doute celle des Aiguilles de Bavella. Situé à l’est de Zonza, ce massif est un prodige géologique. Des pics effilés, rougeoyants au lever du jour, percent le ciel comme des flèches sacrées. Le sentier du Trou de la Bombe, accessible aux marcheurs moyens, traverse des forêts de pins laricios, longe des parois verticales, avant d’atteindre une cavité spectaculaire dans la roche. D’autres variantes plus sportives permettent de grimper jusqu’aux crêtes, où la vue embrasse la mer Tyrrhénienne, les plateaux intérieurs et même, par temps clair, la Sardaigne au sud.
Plus au
nord, entre Bocognano et Vivario, la Cascade du Voile de la Mariée se découvre
au terme d’un itinéraire bucolique. Le sentier remonte la vallée du Gravona,
entre chaos de blocs et clairières, pour atteindre une chute d’eau vertigineuse
de plus de 70 mètres. La légende raconte qu’une jeune fiancée y serait tombée
le jour de ses noces, emportée par son voile pris dans une bourrasque.
Aujourd’hui, seuls le chant de l’eau et les murmures du vent accompagnent le
marcheur.
Mais la Corse du Sud ne se contente pas de montagnes. Elle offre aussi des randonnées côtières d’une rare intensité. Le sentier des Bruzzi, au départ de Pianottoli-Caldarello, est une merveille discrète. Il longe une côte sauvage, ponctuée de plages secrètes, de rochers sculptés par le vent, de genévriers rampants. Le bleu de la mer y est presque irréel. À chaque détour, une crique se dévoile, désertée, prête à accueillir un bain solitaire.
Un peu plus
loin, la presqu’île de Capo di Feno, accessible depuis Ajaccio, propose une
boucle entre mer et maquis. Le sentier monte doucement à travers une garrigue
dense, parsemée de myrtes et d’arbousiers, avant de redescendre vers une plage
immense, battue par les vents et prisée des surfeurs. En fin de journée, le
soleil s’enfonce dans la mer, les pins projettent des ombres allongées sur le
sable, et l’on comprend pourquoi tant de poètes ont trouvé ici leur refuge.
La randonnée vers la tour de Campomoro, au sud de Propriano, plonge quant à elle dans un paysage chargé d’histoire. La tour génoise, solidement campée sur un promontoire rocheux, surveille la mer depuis le XVIe siècle. Le sentier qui y mène épouse les courbes de la côte, entre maquis, murets de pierre sèche et figuiers. Par temps calme, le golfe de Valinco miroite à perte de vue. Et au retour, quelques barques de pêcheurs, posées à l’envers sur la grève, rappellent que la Corse, avant d’être une terre de montagne, fut toujours tournée vers le large.
À
l’intérieur des terres, le plateau du Cuscione est une autre révélation. Situé
au-dessus de Quenza, il offre un paysage d’altitude d’une beauté austère.
Là-haut, les sentiers s’étendent à travers les pozzines, ces prairies humides
jalonnées de vasques naturelles, formées par l’eau et le temps. Les chevaux
semi-sauvages y galopent librement, les vaches y ruminent en silence, et le
ciel semble plus vaste. C’est un monde suspendu, où l’on marche en écoutant le
souffle du vent, les clochettes des troupeaux et le battement discret de son
propre cœur.
Il
serait impensable d’évoquer les randonnées de Corse du Sud sans mentionner le
mythique GR20. Ce sentier de grande randonnée, qui traverse l’île du nord au
sud, est considéré comme l’un des plus exigeants d’Europe. Si sa portion
septentrionale est plus escarpée, sa partie méridionale, entre Vizzavona et
Bavella, offre un condensé de paysages inoubliables. Forêts profondes,
ruisseaux glacés, cols pierreux, et cette lumière si particulière, dorée, qui nimbe
les crêtes au petit matin. Le GR20 n’est pas une randonnée, c’est un
pèlerinage. Une épreuve physique, certes, mais surtout une rencontre avec
soi-même, avec l’île et avec l’invisible.
En Corse du
Sud, marcher revient à s’inscrire dans une filiation. Celle des bergers, des
résistants, des contrebandiers, des poètes. C’est faire corps avec la roche,
avec le vent, avec le silence. Les meilleurs sentiers ne sont pas toujours
balisés. Ils se découvrent en écoutant les anciens, en suivant une sente à demi-effacée,
en acceptant de se perdre un peu pour mieux se retrouver.
Là réside le véritable luxe de la randonnée dans cette région, le sentiment rare de liberté totale. Ici, pas de tourisme de masse, pas de bétonnage, pas de téléphérique. Juste la nature, à l’état brut, farouche et belle. Et pour qui sait l’aimer avec humilité, elle offre en retour des panoramas que nulle carte postale ne saurait contenir.
La Corse du
Sud ne se donne pas. Elle se mérite. Mais ceux qui la parcourent à pied, sac
sur le dos et poussière sur les mollets, repartent changés. Car au-delà de la
sueur, des ampoules ou des montées abruptes, c’est une forme de vérité que l’on
touche du doigt. Une île qui se révèle dans la lenteur, dans l’effort, dans le
silence. Et une promesse, celle d’y revenir.
Le GR20 sud, l’âme minérale de la Corse du Sud
Il existe en Corse du Sud un fil rouge, une épine
dorsale, un mythe que tous les marcheurs redoutent et désirent à la fois, le GR20 sud. Cette portion méridionale du sentier de grande randonnée le plus
célèbre de France, s’étend de Vizzavona à Conca, et distille, au fil de ses
étapes, une beauté âpre, lumineuse, parfois mystique. Moins escarpée que la
section nord, elle n’en est pas moins exigeante, alternant passages rocailleux,
forêts profondes et panoramas à couper le souffle.
Dès les premiers kilomètres après Vizzavona, le ton est donné. Les sentiers s’enfoncent dans une hêtraie monumentale, où la lumière joue entre les troncs centenaires. Puis vient le col de Verde, et les premières crêtes. Là, les forêts cèdent leur place aux pierres, aux lichens et à un ciel immense. Le sentier épouse la ligne de partage des eaux, dominant à l’ouest les vallées du Taravo, à l’est les balcons sur la mer Tyrrhénienne. Chaque pas rapproche du vide, du vent, de cette verticalité qui forge l’identité corse.
Les aiguilles de Bavella surgissent à l’horizon
comme une cathédrale païenne. Ce massif, sacré pour beaucoup, marque l’apogée
du GR20 sud. Le col de Bavella, ses brumes matinales, ses pins laricios
déformés par le vent, composent une scène à la fois grandiose et intime. On y
croise des randonneurs fatigués, transfigurés, les yeux pleins de lumière. Car
ici, chaque montée se mérite, chaque descente se fête, chaque nuit est un
refuge contre l’oubli.
Arriver à Conca, terme de cette traversée méridionale, c’est comme quitter un rêve. On redescend vers la mer, on retrouve la chaleur, le sel, le chant des cigales. Mais le cœur reste là-haut, entre les pierres et les nuages.
Les refuges, havres d’altitude dans la solitude
du granit
Dans le silence des montagnes corses, alors que
le vent soulève les écharpes de brume et que le cri d’un milan royal strie le
ciel, les refuges apparaissent comme des phares pour les marcheurs. En Corse du
Sud, ces structures ne sont pas de simples haltes. Ce sont des postes avancés
de l’humanité, des lieux de partage, de réconfort, d’ancrage au milieu de
l’immensité.
Sur le GR20 sud, les refuges se succèdent comme les chapitres d’un roman initiatique. E Capannelle, Usciolu, Asinau, I Paliri… Leurs noms chantent l’âme corse. Perchés sur des plateaux, nichés dans des combes, accrochés à des crêtes, ils accueillent les marcheurs avec une simplicité précieuse. Une table en bois, un matelas sommaire, un repas chaud, l’essentiel devient luxe.
Le soir venu, autour d’une assiette de soupe
corse ou d’un verre de vin local, les langues se délient. On partage les
anecdotes du jour, les ampoules aux pieds, les petites victoires. Les gardiens,
souvent eux-mêmes enfants du pays, racontent la montagne, ses caprices, ses
légendes. Ils parlent du temps, des bêtes, des orages qui grondent sans
prévenir. On écoute, on apprend, on se connecte.
Les nuits sont noires, profondes. Les étoiles y sont d’une intensité presque douloureuse. Les montagnes, figées dans l’ombre, semblent veiller. Au petit matin, l’odeur du café monte dans le vent frais, les sacs se hissent sur les épaules, et les pas reprennent. Mais chacun garde en soi cette chaleur d’un refuge, ce havre au milieu de la roche, où la solidarité l’emporte sur la solitude.
Les trails en Corse du Sud, là où la course
devient rituel
Pour d’autres, plus véloces que contemplatifs, la
Corse du Sud se parcourt en courant. Ces amoureux du dénivelé, ces esthètes de
l’effort, ont trouvé dans cette région un terrain de jeu aussi exigeant que
somptueux. Les trails, ici, ne sont pas qu’un sport, ce sont des rites. Chaque
course est une messe en pleine nature, une danse entre ciel et terre, un combat
intérieur contre soi-même et les éléments.
Les compétitions emblématiques comme le Trail Napoléon, qui longe les crêtes d’Ajaccio avec vue plongeante sur les îles Sanguinaires, ou l’ultra-trail de Bavella, qui tutoie les nuages et les roches, attirent chaque année des coureurs venus de toute l’Europe. Mais bien au-delà des événements balisés, ce sont les sentiers eux-mêmes qui appellent à la foulée. Ils montent, chutent, tournent sans prévenir. Ils testent la musculature, la respiration, la détermination.
Dans le massif de l’Alta Rocca, entre Levie et
Zonza, les circuits s’enchaînent sur des terrains techniques, racines,
pierriers, arêtes effilées. Le moindre faux-pas se paie, mais chaque sommet
offre en retour un tableau digne d’un rêve. Sur la crête de l’Omu di Cagna, le
monde semble suspendu entre ciel et mer. Les sentiers du Cuscionu, eux, se
courent au milieu des pozzines, ces prairies humides aux allures de
Scandinavie.
Le trail en Corse du Sud est une expérience
sensorielle complète. L’odeur du myrte, l’éblouissement du soleil sur le
granit, le frisson d’un ruisseau glacé, les encouragements venus d’un berger
sur le bord du chemin… Tout concourt à une immersion totale.
Mais au-delà de la performance, ces courses célèbrent un lien profond avec l’île. Elles rendent hommage à une nature souveraine, libre, exigeante. Et elles rappellent à chaque foulée que la Corse du Sud ne s’apprivoise pas. Elle se court, elle se grimpe, elle se respecte.
Randonner en Corse du Sud, l’appel d’une terre
indomptée
S’il est un lieu en Méditerranée où la marche
dépasse l’exercice physique pour devenir un voyage initiatique, c’est bien la
Corse du Sud. Ici, les sentiers ne se limitent pas à relier deux points. Ils
dessinent des liens invisibles entre les montagnes et la mer, entre les hommes
et les pierres, entre le présent et les millénaires silencieux.
Que l’on suive les pas d’un berger sur le GR20
sud, que l’on s’attarde dans l’intimité minérale d’un refuge, ou que l’on
s’élance à toute allure sur les crêtes lors d’un trail, la randonnée en Corse du Sud est toujours un acte d’immersion. Elle oblige à ralentir, à écouter, à
sentir. À se rendre disponible à la beauté brute de cette île sauvage et
majestueuse.
Ce territoire ne se donne pas au premier regard.
Il demande du souffle, du respect, de l’humilité. Mais à celui qui persiste, il
livre des trésors que nulle carte ne peut promettre, un panorama sur l’infini,
le vol d’un aigle royal, la fraîcheur d’une source oubliée, la chaleur d’un feu
de refuge.
La Corse du Sud n’est pas une destination. C’est une rencontre. Une expérience intime, profonde, viscérale. Elle se vit les pieds dans la terre, les yeux vers l’horizon, et le cœur ouvert
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