Sillonner les routes de
Corse, observer les merveilles de l'île de Beauté
Parcourir la
Corse par la route compose une expérience à nulle autre pareille, les rubans
d'asphalte serpentant entre mer turquoise et montagnes vertigineuses,
traversant des paysages d'une diversité stupéfiante. L'île de Beauté dévoile
ses multiples visages au fil de routes mythiques taillées dans le roc,
surplombant des à-pics vertigineux, longeant des côtes découpées, escaladant
des cols panoramiques. La D81 traversant les calanques de Piana, le circuit du
Cap Corse, la route des aiguilles de Bavella, la corniche de la Balagne, les
lacets de la Castagniccia, ces itinéraires légendaires conjuguent prouesses
d'ingénierie routière et splendeur naturelle. Conduire en Corse nécessite
vigilance et patience, les routes étroites et sinueuses interdisant toute
précipitation, imposant un rythme lent propice à la contemplation. Cette
lenteur contrainte devient rapidement une bénédiction, chaque virage révélant
un nouveau panorama, chaque arrêt improvisé offrant une perspective inédite sur
cette terre de contrastes où la montagne plonge dans la mer, où le maquis
parfumé embaume l'air tiède.
Les calanques de Piana, chef-d'œuvre de la D81
La route D81
traversant les calanques de Piana entre Porto et Piana constitue sans doute le
tronçon le plus spectaculaire de Corse. Cette portion de vingt kilomètres
serpente à flanc de falaise, surplombant la mer de deux à trois cents mètres
dans des à-pics vertigineux. Les formations granitiques rouges sculptées par
l'érosion millénaire se dressent de part et d'autre de la chaussée dans une
théâtralité géologique époustouflante. Le Cœur, le Lion, l'Évêque, le Château
fort, ces sculptures naturelles portent des noms évocateurs reflétant leur
ressemblance avec des formes familières. L'UNESCO a classé ce site au
patrimoine mondial en 1983, reconnaissance internationale d'une beauté
exceptionnelle conjuguant œuvre de la nature et audace humaine.
La route
construite au début du XXe siècle représente une prouesse technique
remarquable. Les ingénieurs ont dû tailler le tracé dans le granit compact,
consolider les parois instables, créer des tunnels courts perçant les éperons
rocheux, édifier des murs de soutènement résistant aux intempéries. Ce chantier
titanesque mobilisa des centaines d'ouvriers durant plusieurs années, certains
perdant la vie dans des accidents témoignant de la dangerosité de l'entreprise.
Aujourd'hui, cette route sécurisée permet de traverser sereinement ce paysage
grandiose, à condition de respecter les limitations de vitesse et de rester
concentré sur une conduite exigeante.
Le parcours depuis Porto vers Piana dévoile progressivement ses merveilles. Les premiers kilomètres longent le golfe de Porto, la route s'élevant graduellement au-dessus de la mer scintillante. L'entrée dans les calanques marque une rupture visuelle saisissante, les falaises de granit rouge surgissent brutalement, leurs formes tourmentées se découpant sur le ciel bleu. Les tunnels courts plongent momentanément dans l'obscurité avant de déboucher sur des panoramas encore plus spectaculaires. Les belvédères aménagés permettent des arrêts sécurisés pour contempler tranquillement ces paysages grandioses et immortaliser ces vues exceptionnelles.
La descente
vers Piana offre des perspectives changeantes sur le golfe de Porto et les
calanques. Le village de Piana lui-même, perché à quatre cent trente-huit
mètres d'altitude, compose une étape bienvenue. Ses maisons blanches aux toits
de tuiles rouges, son église baroque, sa place ombragée d'eucalyptus invitent à
une pause rafraîchissante. Les terrasses des cafés offrent des vues plongeantes
sur le golfe, accompagnant idéalement une dégustation de produits locaux, charcuterie
corse, fromages fermiers, beignets de brocciu, café serré.
Emprunter
cette route nécessite certaines précautions. La chaussée étroite ne permet
généralement qu'un seul véhicule, les croisements avec les cars touristiques ou
camping-cars s'avèrent délicats, imposant parfois des marches arrière jusqu'à
un élargissement. La période estivale concentre une circulation dense, les
embouteillages survenant fréquemment aux heures de pointe. Privilégier les
traversées matinales avant dix heures ou en fin d'après-midi après dix-sept
heures garantit une expérience plus sereine. L'automne et le printemps offrent
les meilleures conditions, fréquentation modérée, lumières sublimes,
températures clémentes.
Le tour du Cap Corse, presqu'île aux cent visages
La route D80
ceinturant le Cap Corse sur cent dix kilomètres compose un itinéraire mythique
révélant la diversité extraordinaire de cette presqu'île septentrionale. Cette
boucle partant de Bastia longe alternativement la côte orientale et
occidentale, traverse des villages marins accrochés aux pentes, escalade des
cols offrant des panoramas à couper le souffle, serpente entre mer turquoise et
montagnes abruptes. Le Cap Corse, surnommé "l'île dans l'île",
conserve une identité forte marquée par l'histoire des marins et négociants
enrichis dans les colonies américaines, leur patrimoine architectural
témoignant de cette prospérité passée.
Le départ
depuis Bastia vers le nord longe d'abord la côte orientale plate et rectiligne.
Erbalunga apparaît après quinze kilomètres, premier village pittoresque aux
maisons de schiste gris serré autour de sa tour génoise. La route devient
progressivement plus sinueuse, épousant les contours d'un littoral de plus en
plus découpé. Les marines – Sisco, Pietracorbara, Santa Severa – égrènent leurs
maisons face aux petits ports de pêche. Les plages de galets gris, les eaux
transparentes, les montagnes plongeant abruptement dans la mer créent des
tableaux d'une beauté austère et sauvage.
Le village
de Macinaggio marque le point de virage septentrional. Cette marina moderne
développée dans les années soixante-dix conserve néanmoins un charme certain,
son port accueillant de nombreux plaisanciers, ses restaurants servant poissons
et langoustes fraîchement pêchés. De Macinaggio, le sentier des douaniers
permet une randonnée côtière spectaculaire jusqu'à Centuri, alternative
pédestre à la route pour les marcheurs confirmés. La route continue vers
l'ouest, traversant Rogliano composé de plusieurs hameaux perchés, passant au
pied du moulin Mattei, sentinelle blanche visible de loin dominant le cap.
La côte occidentale révèle des paysages radicalement différents. Les villages y sont plus espacés, plus préservés, accrochés à des pentes vertigineuses. Centuri, port de pêche authentique réputé pour ses langoustes, invite à une halte gourmande prolongée. Ses maisons de schiste vert serpentinifère, son minuscule port encombré de casiers à langoustes, ses restaurants les pieds dans l'eau composent un décor d'une authenticité rare. La route remonte ensuite vers le sud, traversant Pino dominé par son couvent perché, Canari et ses mines d'amiante abandonnées, Nonza acroché à sa falaise dominant une plage de galets noirs.
Les cols
jalonnant le parcours offrent des panoramas exceptionnels. Le col de la Serra
(1101 mètres) franchissable par une route transversale coupe le Cap Corse en
son milieu, révélant des vues simultanées sur les deux côtes. Le col de
Sainte-Lucie surplombant Canari dévoile la côte occidentale dans toute sa
longueur. Ces points hauts permettent d'appréhender la géographie particulière
de cette presqu'île montagneuse étroite, arête rocheuse émergeant de la
Méditerranée dans une géométrie spectaculaire.
Parcourir
intégralement le tour du Cap Corse nécessite une journée complète minimum,
idéalement deux jours permettant de multiplier les arrêts, de randonner sur les
sentiers côtiers, de déjeuner longuement dans les villages, de découvrir
l'intérieur en empruntant les routes transversales. L'hébergement est possible
dans plusieurs villages, les chambres d'hôtes familiales offrant une immersion
authentique dans la vie capicorsa. Cette route compose véritablement un
concentré de Corse, montagnes abruptes, marines paisibles, villages préservés,
patrimoine architectural remarquable, gastronomie généreuse.
Les aiguilles de Bavella, vertiges minéraux de la D268
La route D268
menant au col de Bavella à 1218 mètres d'altitude compose l'un des itinéraires
les plus spectaculaires de Corse. Cette voie serpente dans les montagnes de
l'Alta Rocca, traversant des forêts de pins laricio séculaires, longeant des
torrents tumultueux, escaladant des pentes escarpées avant de déboucher face
aux aiguilles de Bavella. Ces pics de granite rose déchiquetés jaillissant vers
le ciel dans des formes acérées créent un paysage d'une dramaturgie
exceptionnelle. Le contraste entre la végétation dense des versants et la
minéralité brute des aiguilles génère des tableaux naturels d'une beauté
bouleversante.
Le départ
depuis Solenzara sur la côte orientale plonge immédiatement dans l'univers montagnard corse. La route remonte la vallée du Solenzara, longeant la rivière
aux eaux cristallines bondissant de cascade en cascade. Les piscines naturelles
creusées dans le granite invitent à des baignades rafraîchissantes, leurs eaux
froides mais vivifiantes constituant un délice durant les chaleurs estivales. Les
hameaux de montagne – Chisa, San Gavino – ponctuent la progression, témoins
d'un mode de vie agropastoral ancestral perpétué malgré les évolutions
modernes.
L'approche du col révèle progressivement les aiguilles de Bavella. Ces tours de granite rose émergent d'abord timidement entre les arbres, puis s'imposent massivement quand la route sort de la forêt. Le col lui-même, point culminant à 1218 mètres, offre un panorama exceptionnel sur ces formations spectaculaires. La statue du Christ érigée en 1954 bénit les voyageurs, les randonneurs, les bergers perpétuant les transhumances traditionnelles. Les parkings aménagés permettent de stationner pour contempler longuement ce spectacle minéral, de déjeuner dans les bergeries-restaurants servant cuisine montagnarde authentique, de démarrer l'une des nombreuses randonnées sillonnant le massif.
Les
randonnées depuis le col de Bavella figurent parmi les plus belles de Corse. Le
trou de la Bombe, arche naturelle perçant l'une des aiguilles, s'atteint en
deux heures de marche sur un sentier exposé nécessitant pied sûr et absence de
vertige. Le GR20, mythique sentier de grande randonnée traversant la Corse du
nord au sud, passe par Bavella, offrant des variantes d'une journée accessibles
aux marcheurs moins aguerris. Les cascades de Purcaraccia, à trente minutes de
marche, dévalent une succession de vasques granitiques dans un environnement
forestier enchanteur.
La descente
vers Zonza sur le versant occidental dévoile des paysages différents mais tout
aussi spectaculaires. La route serpente dans une forêt dense de pins laricio,
ces arbres endémiques corses atteignant des dimensions impressionnantes. Les
affleurements rocheux, les chaos granitiques, les points de vue aménagés
ponctuent cette descente vertigineuse. Zonza, village de montagne à sept cent
soixante-dix mètres d'altitude, constitue une étape bienvenue. Ses restaurants
proposent spécialités montagnardes – charcuterie, gibier, fromages –, ses
hôtels offrent des bases confortables pour explorer la région environnante.
Cette route
nécessite une vigilance accrue. Les virages serrés, les pentes importantes, la
chaussée parfois dégradée imposent une conduite prudente et maîtrisée. Les
croisements avec les cars touristiques ou les poids lourds forestiers exigent
anticipation et sang-froid. La période hivernale voit régulièrement le col
fermé par la neige, les chaînes devenant obligatoires dès les premières chutes.
Vérifier les conditions météorologiques et l'état des routes avant de s'engager
constitue une précaution élémentaire garantissant sécurité et sérénité.
La corniche de Balagne, entre mer et villages perchés
La route
longeant la côte de Balagne entre l'Île-Rousse et Calvi compose un itinéraire
enchanteur conjuguant beauté maritime et patrimoine villageois. Cette corniche
parcourt un littoral découpé alternant plages de sable fin, anses rocheuses,
promontoires plantés de pins maritimes. L'arrière-pays immédiat se hérisse de
villages perchés accrochés aux premières pentes, leurs maisons de pierre se
fondant dans le paysage minéral, leurs ruelles étroites conservant une
authenticité préservée. Cette région bénie, surnommée le "jardin de la
Corse", bénéficie d'un climat particulièrement doux favorisant oliviers,
citronniers, figuiers générant une végétation luxuriante méditerranéenne.
Le départ
depuis l'Île-Rousse longe immédiatement une côte généreuse. Les plages de
Bodri, Ghjunchitu, Algajola déroulent leurs rubans de sable blond face à une
mer aux dégradés de turquoise. Les paillotes installées en saison estivale
proposent restauration les pieds dans l'eau, transats ombragés, ambiance
décontractée. Le village fortifié d'Algajola, ancienne possession génoise,
présente ses remparts Renaissance face aux flots, témoignage d'un passé
stratégique quand pirates barbaresques menaçaient régulièrement les côtes
insulaires.
Les villages de Balagne parsèment les collines en arrière du littoral, visibles depuis la route côtière. Des routes secondaires sinueuses permettent d'atteindre ces perles architecturales, Sant'Antonino, village le plus ancien de Corse perché sur son piton rocheux à cinq cents mètres ; Pigna célébrant les artisanats traditionnels dans une démarche de préservation patrimoniale ; Corbara dominé par son couvent baroque ; Speloncato surplombant toute la région depuis son balcon panoramique. Ces villages cultivent une identité forte, leurs habitants perpétuant traditions artisanales – couteaux, instruments de musique, céramiques, huile d'olive – générant une économie locale dynamique résistant à la pression touristique uniformisante.
L'approche
de Calvi révèle progressivement la citadelle génoise dominant la baie
harmonieuse. Cette ville de caractère, jadis bastion génois disputé aux
Français durant des décennies, conserve un patrimoine architectural
remarquable. Les remparts de la citadelle enserrent des ruelles pittoresques,
des palais Renaissance, la cathédrale Saint-Jean-Baptiste où Christophe Colomb
aurait été baptisé selon une tradition locale contestée mais vivace. La ville
basse s'organise autour du port de plaisance animé, du quai Landry bordé de
terrasses, de la longue plage de sable fin s'étirant vers Calenzana.
La lumière
particulière de Balagne a attiré de nombreux artistes au fil des décennies.
Peintres, sculpteurs, musiciens trouvent ici une inspiration généreuse dans ces
paysages harmonieux conjuguant mer azurée, montagnes protectrices, villages
séculaires, lumière dorée. Les galeries d'art parsèment les villages, les
ateliers ouvrent leurs portes aux visiteurs, les concerts polyphoniques
résonnent dans les églises baroques durant la saison estivale. Cette
effervescence culturelle distingue la Balagne d'autres régions insulaires,
créant une atmosphère particulière où tradition et création contemporaine
dialoguent naturellement.
Parcourir
cette route nécessite idéalement deux à trois jours pour multiplier les détours
vers les villages de l'intérieur, s'attarder sur les plages, randonner sur les
sentiers côtiers ou montagnards, découvrir les productions locales en visitant
moulins à huile, caves viticoles, ateliers artisanaux. L'hébergement est
abondant et varié, hôtels de charme dans les villages perchés, établissements
balnéaires sur le littoral, chambres d'hôtes familiales offrant une immersion
authentique dans la vie balanine. Cette région accessible compose une
introduction idéale à la Corse pour les primo-visiteurs, conjuguant paysages
spectaculaires, patrimoine remarquable, infrastructures touristiques
développées, climat clément.
La Castagniccia, lacets forestiers au cœur de l'île
Les routes
de Castagniccia composent un réseau labyrinthique serpentant dans le massif
montagneux occupant le centre-est de la Haute-Corse. Cette région tire son nom
des châtaigneraies couvrant les pentes, ces forêts de châtaigniers plusieurs
fois centenaires constituant durant des siècles la base alimentaire des
populations montagnardes. Les villages nombreux – on en compte plus de cent
cinquante – s'égrènent dans les vallées encaissées, accrochés aux pentes
raides, témoins d'une densité démographique jadis importante aujourd'hui largement
réduite. Cette Corse intérieure, méconnue des circuits touristiques classiques,
révèle une authenticité préservée, un patrimoine baroque exceptionnel, des
paysages forestiers d'une sérénité apaisante.
Pénétrer en Castagniccia depuis la plaine orientale impose d'emprunter l'une des routes sinueuses remontant vers les hauteurs. La D71 depuis Folelli ou la D506 depuis Moriani constituent les accès principaux, rubans d'asphalte étroits s'enroulant en lacets serrés sur les pentes escarpées. La végétation change progressivement, le maquis bas de l'étage littoral laisse place aux châtaigniers majestueux dont les houppiers se rejoignent en voûte ombragée. La fraîcheur devient palpable, l'atmosphère humide et forestière contrastant violemment avec la chaleur sèche du littoral distant de quelques kilomètres seulement à vol d'oiseau.
La Porta
constitue généralement l'entrée officielle de Castagniccia depuis le nord. Ce
village préserve l'un des plus beaux ensembles baroques de Corse, l'église
Saint-Jean-Baptiste dresse son clocher de cinq étages culminant à quarante-cinq
mètres, chef-d'œuvre d'architecture baroque édifié au XVIIe siècle. L'intérieur
somptueusement décoré – fresques, boiseries sculptées, maître-autel doré –
témoigne de la ferveur religieuse et de la prospérité passée de ces communautés
montagnardes. Le couvent d'Orezza proche perpétue une tradition spirituelle
franciscaine séculaire, sa source d'eau gazeuse naturelle ayant acquis une
réputation thérapeutique dès le XVIIIe siècle.
Les routes
intérieures de Castagniccia serpentent de village en village dans un dédale
routier déroutant. Les panneaux directionnels se font rares, les distances
semblent dilatées par la lenteur imposée, les croisements avec d'autres
véhicules nécessitent anticipation et manœuvres délicates. Cette difficulté
apparente devient rapidement un charme, l'obligation de ralentir permettant
d'observer les détails, les châtaigneraies centenaires aux troncs torturés, les
murets de pierre sèche témoignant d'un travail séculaire d'aménagement des
pentes, les fontaines de village où bruissent des eaux fraîches, les fours à
pain restaurés où cuisent encore les pains traditionnels durant les fêtes
patronales.
Morosaglia
occupe une place particulière dans l'histoire et le cœur des Corses. Ce village
dispersé en hameaux vit naître en 1725 Pascal Paoli, figure tutélaire de
l'indépendance corse. Le musée national installé dans sa maison natale retrace
l'épopée du "Babbu di a Patria" (Père de la Patrie), sa tentative de
créer une nation corse démocratique entre 1755 et 1769, son exil anglais après
la défaite de Ponte-Novu face aux troupes françaises. Cette mémoire vive
irrigue encore l'identité insulaire contemporaine, Paoli demeurant une
référence omniprésente dans le discours politique et culturel corse.
Parcourir la
Castagniccia nécessite temps et patience. Une journée minimum permet un survol
superficiel, deux à trois jours autorisent une découverte approfondie incluant
randonnées dans les châtaigneraies, visites d'églises baroques, rencontres avec
les artisans perpétuant les savoir-faire traditionnels – vannerie de
châtaignier, confection de pulenda (bouillie de farine de châtaigne),
distillation d'eau-de-vie de myrte. L'hébergement reste limité, quelques
chambres d'hôtes et gîtes ruraux offrant un accueil familial chaleureux dans
des maisons de caractère restaurées avec authenticité.
Conduire en Corse, profiter des routes
Apprivoiser
les routes corses nécessite adaptation et respect de spécificités insulaires.
La vitesse moyenne sur les routes secondaires dépasse rarement quarante
kilomètres par heure, les distances kilométriques modestes exigeant des temps
de parcours substantiels. Prévoir systématiquement le double du temps calculé
sur GPS garantit des trajets sereins sans stress horaire. Cette lenteur
contrainte devient rapidement une bénédiction, chaque trajet se transformant en
découverte contemplative plutôt qu'en simple déplacement fonctionnel.
Les véhicules adaptés privilégient compacité et maniabilité. Les citadines et berlines moyennes négocient aisément les virages serrés et croisements délicats. Les camping-cars et grosses berlines se révèlent handicapants sur les routes secondaires étroites, certains passages nécessitant des manœuvres complexes. La location sur place permet de sélectionner un véhicule adapté, les agences ajacciennes ou bastiaises proposant des gammes complètes à tarifs compétitifs hors haute saison.
La conduite
exige vigilance et courtoisie. Les animaux errants – vaches, cochons, chèvres –
traversent régulièrement les routes, particulièrement au crépuscule. Les
cyclistes empruntent les routes de montagne, leur vulnérabilité imposant
dépassements prudents et respectueux. Les motards nombreux en saison estivale
méritent attention et anticipation. Les aires de croisement sur routes étroites
nécessitent des cessions de priorité basées sur le bon sens, le véhicule le
plus proche d'un élargissement recule, le véhicule montant cède généralement au
descendant sauf impossibilité manifeste.
L'essence
coûte significativement plus cher qu'en métropole, les stations-service se
raréfient dans l'intérieur montagneux. Faire systématiquement le plein dans les
grandes villes, surveiller attentivement sa jauge, prévoir des marges de
sécurité évitent des déconvenues désagréables. Les cartes routières papier
complètent utilement les GPS parfois défaillants dans les zones montagneuses
peu couvertes par le réseau mobile. Les cartes Michelin ou IGN détaillées
permettent d'anticiper difficultés et découvrir routes alternatives
pittoresques ignorées des applications numériques.
Corse, terre de routes spectaculaires et d'horizons infinis
Les routes
corses composent véritablement des destinations en soi plutôt que de simples
moyens de déplacement. Des calanques de Piana au tour du Cap Corse, des aiguilles
de Bavella à la corniche de Balagne, des lacets de Castagniccia aux multiples
autres itinéraires sillonnant l'île, ces rubans d'asphalte révèlent une
diversité paysagère exceptionnelle concentrée sur un territoire insulaire
relativement modeste. Chaque route raconte une histoire, audace des ingénieurs
ayant dompté des reliefs hostiles, opiniâtreté des populations montagnardes
ayant aménagé patiemment chaque parcelle cultivable, beauté inaltérée d'une
nature généreuse sculptée par les éléments depuis des millénaires.
Parcourir
ces routes nécessite temps, patience, respect des particularités insulaires.
Cette lenteur imposée par la géographie et les infrastructures devient
rapidement une philosophie de voyage, une invitation au ralentissement bienvenu
dans un monde contemporain obsédé par la vitesse et l'efficacité. Ici, le
voyage prime sur la destination, chaque virage révèle une surprise, chaque
arrêt improvisé offre une découverte inattendue. Les rencontres fortuites avec
les insulaires – berger menant son troupeau, producteur vendant ses fromages au
bord du chemin, vieillard partageant une anecdote locale – enrichissent
l'expérience au-delà des simples panoramas photographiés.
La Corse se mérite, se découvre progressivement, se savoure lentement. Ses routes spectaculaires constituent les fils d'Ariane permettant de dévider l'écheveau complexe de cette identité insulaire forte, fière, préservée. Que l'on recherche sensations de conduite sportive sur routes sinueuses, contemplation de paysages grandioses, découverte d'un patrimoine architectural exceptionnel, ou simplement évasion loin des foules estivales concentrées sur le littoral, les routes corses offrent infinité de possibilités. Emprunter ces itinéraires mythiques compose une expérience initiatique révélant l'essence profonde de l'île de Beauté, cette Corse authentique et multiple où chaque tournant réserve émerveillement, où chaque kilomètre parcouru grave des souvenirs impérissables dans les mémoires émerveillées des voyageurs privilégiés acceptant de prendre leur temps pour découvrir véritablement cette terre de caractère.






















